
Grande nouveauté ce soir
Marcel a l’âge de boire au goulot
Il vit sa jeunesse accoudé au bar
Il est joyeux même s’il n’est pas très beau
Il boit ! Il boit à la rêverie, aux amis, aux jeunettes
A cette vie d’exploits, cette vie de fêtes
Il boit à l’Homme ! Il boit à Dieu
Le droit lui est enfin donné, d’être heureux
Longue vie à l’humanité ! crie-t-il entre autres choses
Surgit alors une jeune fille de toute beauté
Elle l’attire comme un papillon sur une rose
Nul besoin, cette nuit, d’aller aux maisons closes
Du moins, ose-t-il l’espérer
Après deux trois verres de blanc
Son courage en tout point ressemblant
A l’homme gravissant la montagne
Il se dit c’est ce soir où jamais que je gagne
Et pourtant…
Un verre de trop, le dérapage
Il met ses mains dans son corsage
Cette fleur n’ayant pas envie de se faire polliniser
Fit claquer sur Marcel ses doigts civilisés
Son air puritain
Lui donna la première leçon
Une femme n’est pas une putain
Il en faut plus pour qu’elle morde à l’hameçon
Une frustration n’entraînant pas forcément la morosité
Marcel se mit à chanter
Comme de coutume
Et moi je suis rond, rond comme la lune…
Grande nouveauté ce soir
Pour son mariage Marcel s’est fait beau
Elle s’appelle Mirage, c’est la fille du Bernard,
Ses sourires réchauffent l’atmosphère du bistrot
Il boit ! Il boit avec Bertrand, Fernand et Francis
Il boit aux rendements. Il boit au bénéfices
Il boit pour un. Il boit pour deux
Seul lui suffit le vin et le vert de ses yeux
Elle danse et ses hanches font tourner sa robe à fleurs
Elle danse et ses hanches font chavirer les cœurs
Légère, éphémère, tout le monde la regarde
Et Marcel, lui, qui ne prend pas garde
Elle danse ! Elle danse avec Bertrand, Fernand et Francis
Elle danse avec Benoît. Elle danse avec Ulysse
Elle danse avec Ambroise. Elle danse avec André
Car Marcel, lui, il n’aime pas danser
Le temps, la mort dans l’âme
Lui enseigna la seconde leçon
Un jour on kidnappa sa femme
Et personne ne lui demanda de rançon
Une disparition n’entraînant pas forcément la morosité
Marcel se mit à chanter
Comme de coutume
Et moi je suis rond, rond comme la lune…
Grande nouveauté ce soir
La beauté de Marcel est au plus haut
Si haut qu’il est monté sur le bar
Il crie : « Donne-moi à boire salaud »
« Donne moi de l’eau, de l’eau-de-vie
Vie sans repos, vie sans retraite »
Marcel est l’homme de tête du bistrot
Ce qu’il fête, cette nuit et la veille
C’est la perte de sa folie
La perte de son argent. Moulu par sa vie
Il ne craint plus la mort Marcel
Ce qui l’ensorcelle c’est l’Amour !
L’amour disparu, l’amour oublié
De ce monde sans pitié
Encore une heure, encore un pastis
Sa haine de l’homme le pousse au vice
Il se perd dans la lutte
Lutte froide et cruelle
Maintenant il empoigne une bouteille
Qu’il déverse sur la connerie humaine
Au fond de son gosier
« Une autre tavernier ! »
« Une autre, pour oublier »
N’ayant plus d’amis, de panse-cœurs
Il tient compagnie au serveur
Lui racontant toujours la même histoire
L’histoire de cette fille qui aurait pu l’aimer si seulement il avait arrêter de boire
Une larme coule sur sa chemise bleue
Il est vieux le temps où Marcel savait rêver
Et cette chanson qu’il avait l’habitude d’entonner
Même la lune, aujourd’hui, ne veut plus l’écouter
Et moi je suis rond, rond comme la lune…